En quoi le dispositif "Devoirs faits" constitue t'il une réponse à la problématique historique du travail hors classe du collegien, et quels vont être leviers et les enjeux de son efficacité dans la réussite des élèves ?
Retour historique sur l'accompagnement du travail hors la classe pour l'école
Jusqu’au début du XXe siècle, le travail personnel des élèves était au centre de l’enseignement, 1/3 d’apprentissage en classe avec un enseignant et 2/3 du
temps de travail personnel avec des répétiteurs
Travail hors classe contextualisé par l'internat
Au 19e siècle dans les internats le temps total d'études était considérable, avec une moyenne de 20h de classe et 40h de répétition par élève par semaine.
Transmission du savoir glorifié, tache réservée à l'enseignant, travail hors classe d'assimilation délégué à des tiers
Aujourd'hui encore, il existe bien souvent une forme de verticalité entre les enseignants et les parents, animateurs ou assistants d'éducation chargés d'accompagner les élève dans le travail hors classe (voir Pierre Perrier 2016)
Avec la réforme de 1902, les répétiteurs deviennent des fonctionnaires d’externat et sont davantage associés à l’enseignement, pour finalement être reconnus comme des professeurs adjoints
Accent mis sur la formation de
l’intelligence par l’observation et l’expérimentation (et non plus la répétition). Apparition du cours d'une heure (type magistral, transmission directe)
Nouvelles attentes dans le travail personnel de l'élève
Autonomie
Esprit critique
Emplois du temps complexifiés, vecteurs d'inégalités dans les conditions de travail des élèves, plus ou moins favorables à l'étude hors classe
Naturellement, le role des répétiteurs décroit pour etre externalisé hors l'école dans les familles ou dans les associations.
Associations longtemps actrices dans le soutien scolaire, partenaires dans une réalité territoriale
Au sein de centres sociaux, maisons de quartier, MDJ, assos type AFEV,etc.
Le caractère extrascolaire de ces structures rend la communication avec les équipes pédagogiques complexes.
Soutien scolaire encadré par des équipes d'animateurs salariés ou bénévoles, généralement peu ou pas formés
Les équipes d'animateurs doivent réussir à s'inserer dans la boucle pédagogique qui permettrait une efficacité du travail hors classe (voir P.Rayou 2009)
Peu ou pas de contacts avec les enseignant s qu préscrit le travail.
Bien souvent les élèves n'ont pas acquis la base du cours qu'ils sont sensés mettre ici à l'épreuve, et l'accopagnateur effectue une annexe au cours. (Kakpo et Netter 2013)
CLAS et autres dispositifs de soutien scolaire gratuit pour les familles, partiellement ou totalement financés par la mairie, le conseil départemental ou la région.
Les disparités des politiques éducatives territoriales donnent lieu à une inégalité territoriale des propositions de soutien scolaire sur le plan nationnal
Depuis 2013, des mesures politiques ont vu le jour, dans le but de porter l'éducation à l'échèle locale. Né dans ce contexte, le PEDT "met en scène les différents acteurs de la communauté éducative et plus particulièrement l’École, la collectivité, les associations d’éducation populaire et associant les familles et les bénéficiaires" (OBIN, 2014)
Dans les zones rurales les élèves ont peu accès à ce type de dispositifs, ce qui représente également une inégalité territoriale
Des dispositifs qui portent parfois leur fruits mais de façon inégale, car les facteurs d'efficacité varient énormément selon le contexte.
La circulaire du 29 décembre 1956 interdit les devoirs écrits à l’école primairee
Le travail hors classe ne jouit pas d'une bonne réputation
Malgré une forte tendance des enseignants des classes primaire à "braver l'interdit", une grande proportion des élèves arrivant au collège ne sait pas comment s'y prendre pour accomplir ce travail hors classe car ils ne l'ont pas expérimenté auparavant. Un suivi du travail personnel de l'élève plus poussé serait donc souhaitable à son arrivée en 6ème.
L'externalisation hors classe de la consolidation des apprentissages donne lieu pour l'élève à une obligation de travail scolaire seul, par groupe de pairs, ou accompagné par des acteurs externes à l'école.
Au sein de la sphère familiale (extrascolaire)
Auprès d'un organisme privé ou d'un acteur isolé (extrascolaire)
Source d'inégalité : constitue une démarche qui n'est pas à la portée des moins nantis.
Parfois inefficace, cette sous-traitance si elle échoue peut fortement dévaloriser l'élève qui va se trouver '"vraiment nul" (Kapko)
Au moment de l'étude, sur un temps libre au sein de l'établissement, auCDI ousur un autre lieu dédié (périscolaire)
L'élève s'il trouve la motivation peut travailler seul ou en groupe de pairs ; cela nécessite toutefois un emploi du temps et un cadre de travail adaptés
Attention toutefois : la motivation initiale de l'élève peut s’éroder au fil des échecs et l’envie de comprendre se détériorer.(voir Dominique SENORE).
Des élèves en difficulté en classe peuvent l'être encore plus après une longue journée, seuls face à une copie.
L'opacité des consignes met souvent les élèves en difficulté (Kakpo et Rayou 2010)
Auprès d'associations (Maisons de quertier, centres sociaaux, etc, proposant un CLAS)
Dispositif "DEVOIRS FAITS" mis en place en novembre 2017 dans tous les collèges après le vademecum de Août 2017 dans le but de réduire les inégalités au savoir.
Un dispositif qui permet de lutter contre les inégalités
Une mise en oeuvre au niveau nationnal qui permet de lutter contre les inégalités territoriales
L'établissement,au niveau local, adapte le projet à son établissement
Le même fonctionnement et les même types d'acteurs s'inscrivent dans un même projet dédié à tous les élèves, adapté au niveau local, qui permet de lutter contre les influences des inégalités sociales dans la réussite scolaire
Un temps encadré par les équipes pédagogiques, animé par des Assistants d'éducation, des volontaires de cervice civique, des enseignants, etc.
Un Dispositif récent mais pas inédit, construit sur des expérimentations qui ont porté quelqus fruits.
Temps dédié aux élèves, à la carte, jusqu'à 4h en fonction de leurs besoins.
Pour favoriser l'autonomie
Faire prendre conscience à l'élève de la manière dont il travaille, donner des outils pour apprendre.
Domaine 2 du socle commun
Pour rendre les consignes moins opaques, prendre le temps de les expliciter
Pour les élèves volontaires
Permet de maintenir une motivation
Un dispositif qui va rarement atteindre les élèves décrocheurs
Le chef d’établissement inscrit la question des devoirs dans son projet d’établissement, et cela permet une réflexion de la communauté éducative autour de ce dispositif, de ses enjeux et des pratiques de chacun, afin d'apporter au travail hors classe une logique articulée et un cadre.
Un dispositif périscolaire, intramuros
Une communicaton entre les accompagnateurs et les enseignants prescripteurs facilitée, pour les consignes et les retours.
Un dispositif qui peut pleinement s'inscrire dans le suivi des élèves
Le service de la Vie Scolaire au centre du dispositif, dirigé par le CPE
Le CPE encadre l'équipe d'accompagnateurs
Le CPE est référent du dispositif devoirs faits, notamment dans le cadre de ses missions spécifiques C/3,C2/3 et C3/1, et C8/1
"Devoirs faits" un titre qui en dit long (voir intervention Julien Netter 2017)
Le but du dispositif est bien que les élèves rentrent chez eux "devoirs faits"
Risque de se concentrer sur l'aquitement de la tache plus que sur la reprise des notions vues en classe
Autre écueil : privilégier la satisfaction de la famille et des enseignants à la réussite à long terme de l'élève
Responsabilisation des familles, qui s'investissent ou non dans une démarche de consolidation des savoirs cognitifs à travers un accompagnement plus ou moins intensif, et plus ou moins pertinent.
Si l'élève n'a pas suffisemment integré le contenu des apprentissages en classe, il va devoir reconstruire cet apprentissage avec ses parents.
C'est une source d'inégalité dans la réussite scolaire car tous les parents ne sont pas issus des mêmes catégories socio-professionnelles. Dans les familles moins favorisées, les parents ne sont pas en possession des codes de l'école (cf Bourdieu, Passeron). Cela va constituer une source de malentendus avec les enseignants et avec les élèves, car ces parents se saisissent du temps de travail hors classe de façon inappropriée, qui va plus souvent nuire aux apprentissages que les renforcer ( Kapko)
Les conséquences sur les représentations crées par l'association quasi-systematique de la femme au travail scolaire pourraient influencer les élèves dans des comportements genrés qui pourraient participer à désservir à la réussite scolaire des garçons (voir Jean Louis Auduc)
Les conditions d'études à la maison seront différentes selon le contexte familial ce qui constitue une source d'inégalité dans la réussite scolaire
Le temps du travail hors classe peut cristalliser des tensions entre les parents et leurs enfants autour de la question scolaire. En outre entre une famille monoparentale avec trois enfants et leurs devoirs et une famille en couple avec un seul enfants, la gestion de ce temps sera disparate.
L'incapacité de certains parents à accompagner aux devoirs peuvent se trouver disqualifiés symboliquement (ou leur donner ce sentiment) par leur enfant.
Le cadre de travail de l'élève à son domicile est déterminant pour qu'il soit dans des conditions favorables aux apprentissages.
Espace de travail adapté
Temps personnel (La participation aux taches, prise en charge d'une fratrie peuvent limiter le travail personnel)
Outils numériques à disposition
Les parents "jouent le jeu", car tous sont conscients des enjeux scolaires dans les trajectoires sociales (poullaouec 2010), mais beaucoup ont le sentiment de manquer de connaissances pour accompagner leur enfant à partir d'un certain degré d'études, ( Valérie Caillet et Nicolas Sembel).
On observe parfois un "decrochage scolaire parental" (Pierre Perrier), qui conduit à un éloignement plus grand encore de l'école.
D'autres imputent à l'institution les difficultés, et peuvent développer des résistance transmettre, et /ou à leurs enfants un sentiment de rancœur envers l'école ou les enseignants.
Si Perrenoud parle du metier d'élève, Remi Benasio pose la question du metier de "parent d'élève". Quelles seraient les compétences attendues de ces parents par l'institution scolaire ?