arabera Si Bo 5 years ago
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Honelako gehiago
Analyse rapide du programme de 2015 centré sur le nombre
Le terme de mathématique n’est pas utilisé dans le programme de 2015
Partir du mode Apprendre (4 modes)
Construire les premiers outils pour structurer sa pensée
- Découvrir les nombres et leur utilisation,
- Construire le nombre pour exprimer des quantités,
- Stabiliser la connaissance des petits nombres,
- Utiliser des nombres pour désigner un rang, une position.
- Construire les premiers savoirs et savoir-faire avec rigueur
- Acquérir la suite orale des mots-nombres,
- Écrire les nombres avec les chiffres,
- Dénombrez.
- Ce qui est attendu en fin d’école maternelle
- Utiliser les nombres,
- Étudier les nombres.
Inégalités sociales | inégalités d’apprentissage
A l’insu de leur bonne volonté, il y a des inégalités qui se renforcent alors que tout le monde souhaite l’inverse. Que se joue-t-il dans les apprentissages ? Attention aux évidences ou aux choses sans importance. Sur quoi est le focus dans l’enseignement ? Focus sur le nombre et plus précisément sur celui de la quantité et enfin sur le nombre mémoire de la quantité.
La forme donnée permet de mettre en exergue les objectifs, la mise en œuvre et la progressivité attendus de ce programme, sans oublier que l’enfant arrive à l’école avec des savoirs et des savoirs faire.
Dans le cadre de la théorie des situations, la distinction entre connaissances et savoir est tout à fait essentielle.
Dans l’article fondateur de la théorie des situations (Brousseau, 1972), le terme de savoir n’apparaît pas et celui de connaissance rarement... Le « savoir constitué ou en voie de constitution » devient le point de départ du projet social d’enseignement, alors que « les connaissances n’existent et n’ont de sens chez un sujet que parce qu’elles représentent une solution optimale dans un système de contraintes » .
On voit donc se dessiner les sens différents qui seront stables par la suite dans le travail de Guy Brousseau, le savoir étant constitué (ou en voie de constitution) et les connaissances étant rencontrées en situation.
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En situation d’action, les connaissances sont d’abord implicites, néanmoins, dans d’autres types de situations (formulation, validation), les connaissances sont formulées et validées.
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Conne (1992) adopte un point de vue différent : la caractérisation à laquelle il arrive de la distinction entre savoir et connaissance est la suivante : « Lorsque le sujet reconnaît le rôle actif d’une connaissance sur la situation, pour lui, le lien inducteur de la situation sur cette connaissance devient inversible : il sait.
Une connaissance ainsi identifiée est un savoir, c’est une connaissance utile, utilisable, dans le sens qu’elle permet au sujet d’agir sur sa représentation » .
Suivant ce point de vue, la différence entre savoir et connaissance se déplace en quelque sorte vers le sujet en situation, puisque la reconnaissance de l’utilité d’une connaissance pour un sujet la qualifie pour lui comme savoir. Dans les deux cas, il ne s’agit en tout état de cause jamais de délimitations étanches : tel ou tel concept n’est pas « en soi » une connaissance ou un savoir, en particulier, pour Brousseau, une connaissance acquière une fonction de savoir, au cours du processus d’institutionnalisation.
Laparra & Margolinas, 2010, ont retravaillé la distinction entre connaissance et savoir, dans le cadre notamment d’une collaboration avec Marceline Laparra (didactique du français).
Le point de vue qu'elles adoptent est celui de la nécessité d’une conception anthropologique et sociologique des savoirs et des connaissances.
Une connaissance est ce qui réalise l’équilibre entre le sujet et le milieu, ce que le sujet met en jeu quand il investit une situation. I
Il s’agit d’un concept très large, qui inclut à la fois des :
Un savoir est d’une autre nature, il s’agit d’une construction sociale et culturelle, qui vit dans une institution (Douglas, 2004) et qui est par nature un texte (ce qui ne veut pas dire qu’il soit toujours matériellement écrit). Le savoir est dépersonnalisé, décontextualisé, détemporalisé.
Il est formulé, formalisé, validé et mémorisé. Il peut être linéarisé, ce qui correspond à sa nature textuelle.
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Ce qu'il faut retenir schématiquement de ces distinctions, c’est déjà que :
>>> Pour définir une connaissance donnée, il faut donc décrire les situations fondamentales de cette connaissance.
>>> Pour définir un savoir particulier, il faut dire quelle est l’institution qui produit et légitime ce savoir, ce qui conduit parfois à considérer plusieurs institutions et leurs éventuels conflits.
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Voilà donc des distinctions essentielles pour la didactique des mathématiques
Le savoir mathématique, dont l’institution productrice est constituée des « mathématiciens », est ainsi défini par avance comme ce qui doit être étudié (dans des institutions spécialisées comme l'École ou non) >>> voir les programmes
alors que la connaissance est ce qui va émerger de « l’activité mathématique » en situation.
Personne ne doute que l’école maternelle soit un maillon essentiel dans la scolarisation des élèves, ni qu’elle soit un véritable lieu d’apprentissage, notamment en mathématiques.
Pour autant, il n’est pas certain que les savoirs à enseigner et les connaissances à transmettre en maternelle soient décrits, dans les différentes didactiques, d’une façon suffisante pour répondre aux besoins des professeurs qui y enseignent.
Le cas de l’énumération, étudiée par Brousseau (1984) puis Briand (1993), est emblématique des nécessaires efforts à réaliser pour comprendre les connaissances qui sont en jeu dans les situations rencontrées par les élèves.
Nous verrons que l’énumération permet d’analyser les difficultés des élèves dans de très nombreux cas, pas seulement en « mathématiques ».
En regard de ces analyses, les actions des professeurs en situation montrent la difficulté qu’il y a à entrer dans le nécessaire processus d’institutionnalisation de ces connaissances, faute de savoirs disponibles dans l’institution scolaire.
5 - Privilégier le domaine numérique des 10 premiers nombres
Programme en fin de maternelle :
les enfants doivent savoir « Quantifier des collections jusqu’à dix au moins ; les composer et les décomposer par manipulations effectives puis mentales ».
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Ainsi liberté de n’étudier que les 10 premiers nombres à l’école maternelle. Pourquoi 10 et non 20 ou 30 ? Parce que, comme cela est rappelé dans l’extrait précédent du programme, l’étude des nombres doit s’accompagner de celle de leurs décompositions.
Pas de réelle étude du nombre 12 sans insister sur le fait que « 12, c’est 10 et encore 2 », etc. Pour réellement étudier les nombres 11, 12, 13… à l’école maternelle, il faudrait donc y amorcer l’étude du nombre 10 en tant que base de la numération décimale alors que cette étude a mieux sa place au CP.
Pour autant, la quantification de grandes collections n’est pas bannie de l’école maternelle. Donnons l’exemple d’élèves de début de GS qui venaient de recevoir une carte postale grand format. Sur cette carte, pour l’essentiel, il y a 23 mouettes en vol.
L’un des enfants, après avoir dit qu’il y en a beaucoup, demande à la maîtresse combien il y en a. Un autre enfant qui sait compter loin (il faudrait dire « compter-numéroter »), se propose pour le faire. L’enseignant, arguant du fait que la plupart des enfants ne savent pas compter aussi loin, demande de trouver un autre moyen pour savoir combien il y a de mouettes et la solution surgit : « Et si on cherchait combien ça fait de main ? ». Pour former les groupes de 5, les enfants utilisent un comptage mais il faudrait dire un « comptage-dénombrement », celui qui a été privilégié dans cette classe. Ils tracent un petit trait sur chaque mouette prise en compte afin d’éviter les oublis et les doublons. Chaque trait représente vraisemblablement un doigt, puisqu’ils cherchent à former des mains. Les groupes de 5 traits sont entourés et la conclusion s’en suit : « Des mouettes, il y en a 4 mains et encore 3 ». La quantité correspondante est réalisée : deux enfants montrent tous leurs doigts, un troisième en montre 3.
Plus tard, en GS, dans une occasion semblable, l’enseignant peut inviter les enfants à faire des groupes de 10, en utilisant 5 comme groupement intermédiaire, évidemment. Il peut même conclure l’échange avec les enfants en leur donnant l’écriture du nombre et en la commentant ainsi (on supposera qu’il s’agit de 46 marrons) : « Donc il y a 4 groupes de 10 marrons et encore 6 marrons, je vais vous dire comment on écrit ce nombre : on écrit le chiffre « 4 » parce qu’il y a 4 groupes de 10 marrons et, à côté du « 4 », on écrit le chiffre « 6 » parce qu’il y a 6 marrons qu’il ne faut pas oublier et ce nombre (en pointant l’écriture « 46 »), les grands le disent « quarante-six ». Quarante-six, c’est 4 groupes de 10, c’est écrit ici (en pointant le « 4 ») et encore 6, c’est écrit là (en pointant le « 6 »). Vous apprendrez à lire et écrire ces nombres l’année prochaine au CP»
L’enseignant ne fait donc aucune rétention d’informations, il ne refuse pas d’aborder la quantification de grandes collections quand la vie de la classe invite à le faire.
Le nombre 10 apparaissant comme une borne supérieure pour l’étude systématique des nombres à l’école maternelle, la question se pose de savoir si cette borne ne serait pas déjà trop grande et si cette étude systématique ne devrait pas plutôt se limiter aux 5 premiers, par exemple.
4 - L’usage de « nombres figuraux » favorise également cette transition
Programme (p. 14) : « Entre deux et quatre ans, stabiliser la connaissance des petits nombres (jusqu’à cinq) demande des activités nombreuses et variées portant sur la décomposition et recomposition des petites quantités (trois c’est deux et encore un ; un et encore deux ; quatre c’est deux et encore deux ; trois et encore un ; un et encore trois), la reconnaissance et l’observation des constellations du dé, la reconnaissance et l’expression d’une quantité avec les doigts de la main, la correspondance terme à terme avec une collection de cardinal connu. » (Voir Margolinas).
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C’est l’occasion d’exprimer un regret : expression longtemps utilisée « collection-témoins organisée ». Il convient d’éviter cet usage systématique et, en alternance, introduire la notion de « nombres figuraux ».
Cet usage des nombres figuraux, et notamment des doigts, analysé dans PPM (Brissiaud, 2004) et ACE (Brissiaud, 2013). Cet usage favorise la transition entre les « nombres de… » et les nombres.
Imaginons qu’un enseignant de petite section demande à un élève de lui donner 3 cubes tout en lui montrant une collection de 3 doigts qu’il lève ainsi : « Donne-moi 3 cubes, comme ça : deux cubes (en levant 2 doigts) et encore un (en levant un autre doigt), trois ». Pour un enfant, il est plus difficile de comprendre ce que dit l’adulte dans cette situation que dans celle qui a été décrite précédemment.
En effet, l’enfant est face à un adulte qui demande qu’on lui donne des cubes alors qu’il montre… des doigts ! Pourquoi l’adulte montre-t-il des doigts alors qu’il désire des cubes et que ceux-ci sont présents sur la table ? De toute évidence, ce second type de dialogue, c’est-à-dire l’usage des doigts pour former des nombres figuraux, ne doit intervenir qu’après le premier type de dialogue.
Ce qui fait la difficulté de cette dernière situation est également à l’origine de son intérêt : du fait que l’adulte réalise l’ajout d’une nouvelle unité sur les doigts et non sur les cubes, l’enfant est conduit à prendre conscience que, pour former une collection de 3, c’est l’ajout d’une nouvelle unité à une collection de 2 qui importe et non la nature des unités avec lesquelles cette action est exécutée.
Cette prise de conscience sera favorisée du fait que le même dialogue sera tenu avec des crayons, des images… « Donne-moi 3 crayons, comme ça : deux crayons (en levant 2 doigts) et encore un (en levant un autre doigt), trois », « Donne-moi 3 images, comme ça : deux images (en levant 2 doigts) et encore une (en levant un autre doigt), trois », etc.
Chaque doigt considéré comme un symbole renvoyant à l’idée d’unicité (les doigts comme unités génériques).
Progressivement, du fait qu’un doigt est susceptible de valoir pour un cube, un crayon, une image…, chaque doigt sera considéré comme un symbole renvoyant à l’idée d’unicité et plus seulement comme un substitut de « un cube », « un crayon », « une image »… Et l’enfant comprendra la relation que l’on veut lui enseigner, celle qui relie entre eux des nombres et non des « nombres de… » : « trois, c’est deux et encore 1 ». Ainsi, l’usage des doigts, qui ne sont ni des cubes, ni des crayons, ni des images… mais des unités génériques que l’on porte toujours sur soi et, donc, facilement mobilisables, favorise la transition des « nombres de… » vers les nombres.
L’usage de nombres figuraux organisés comme les doigts, rappelons que pour favoriser l’accès à d’authentiques nombres figuraux, il est important de représenter un même nombre de différentes façons sur les doigts, de représenter 3 par la configuration « index, majeur, annulaire » tout autant que « pouce, index, majeur », plus généralement, que chaque doigt vaut 1 (voir PPM p. 18-20 et ACE p. 79-81).
3 - La transition du « nombre de … » au nombre
Programme : « le nombre en tant qu’outil de mesure de la quantité est stabilisé quand l’enfant peut l’associer à une collection, quelle qu’en soit :
• la nature,
• la taille des éléments,
• et l’espace occupé.
Cinq permet indistinctement de désigner cinq fourmis, cinq cubes ou cinq éléphants.
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Lorsqu’un enfant parle de 3 fourmis (respectivement : cubes, éléphants…), nous allons voir qu’il est utile de prendre au sérieux le fait que dans ce que dit l’enfant, le nombre 3 est suivi de la nature de l’unité (une fourmi) et, donc, de considérer que cet enfant parle alors d’un « nombre de fourmis » (respectivement : de cubes, d’éléphants…), c’est-à-dire qu’il parle d’un « nombre de… ».
Cette distinction entre « nombres de… » et « nombres » est très importante.
Les compétences d’un enfant avec un nombre sans unité ne sont pas nécessairement les mêmes qu’avec les « nombres de… .
De plus, l’enfant découvre les différents « nombres » alors qu’il s’agit de « nombres de… ».
Ainsi, considérons ce dialogue avec un enfant dont on pense qu’il comprend les 2 premiers nombres parce qu’il réussit toutes les tâches mettant en jeu des collections de 2 unités. Il sait donner 2 cubes (crayons, images…) en justifiant sa réponse du fait que c’est 1 cube (crayon, image…) et encore 1. Il sait former une collection de 2 doigts de différentes façons. Si trois boîtes contiennent respectivement 1, 2 et 3 cubes, il sait indiquer celle qui en contient 2. Face à 1 cube, il sait ce qu’il faut faire pour qu’il y en ait 2. L’enseignant décide de lui apprendre le nombre 3 et, dans ce but, il le met face à un panier vide et divers objets sur la table : un tas de cubes, un pot rempli de crayons, une boîte remplie d’images… Ce dialogue s’ensuit (l’enseignant vise une théâtralisation de la définition de 3).
Enseignant : Prends 2 cubes et mets-les dans le panier… (l’enfant réalise l’action). Combien y a-t-il de cubes dans le panier ?
Enfant : Il y a un cube, un cube (en les montrant respectivement), deux cubes.
Enseignant : Regarde, je prends un autre cube et je vais le mettre lui aussi dans le panier. Attention ! Maintenant dans le panier, il y a… 2 cubes (en les montrant)… et encore 1 cube (en le posant légèrement à part), 3 cubes (en les entourant avec le doigt). Tu vois, 2 cubes et encore 1 cube, c’est 3 cubes ; 2 et encore 1, c’est 3.
Enseignant : Je vide le panier et maintenant je te demande de mettre 3 crayons dans le panier… (ensuite 3 images…)
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A travers un tel dialogue l’enfant rencontre le nombre 3 sous la forme d’un « nombre de cubes » et, plus généralement, les enfants rencontrent chacun des premiers nombres alors qu’il s’agit de « nombres de… » L’enseignant a judicieusement choisi de reformuler l’expression « 2 cubes et encore 1 cube, c’est 3 cubes » sous la forme plus générale « 2 et encore 1, c’est 3 ». En effet, si l’utilisation de « nombres de… » s’impose pour que l’enfant puisse se référer aux objets physiques de la situation (2 cubes… et encore 1 cube, c’est 3 cubes), l’usage dans le même temps de l’expression « 2 et encore 1, c’est 3 » fournit à l’enfant un premier indice du fait que le procédé vaut quelle que soit l’unité (cubes, crayons, images…) : la reformulation des relations entre « nombres de… » sous la forme de relations entre nombres, favorise la transition « des nombres de… » vers les nombres. C’est passer progressivement de la mesure de la quantité d’objets (désigné par l’unité) vers le nombre « pur ».
2 - Un deuxième concept fondamental, celui d’itération de l’unité
Les cinq premiers nombres se construisent dans l’ordre.
Programme maternelle : « l’itération de l’unité » (trois c’est deux et encore un) se construit progressivement, et pour chaque nombre.
Ainsi, l’itération de l’unité est présentée dans le programme comme une propriété qui a partie liée avec la connaissance d’une décomposition : « trois c’est deux et encore un » et son appropriation par l’enfant est qualifiée de « progressive ».
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Pour mieux expliciter ce qu’est l’itération de l’unité, précisons la façon dont s’effectue cette progression.
a) L’enfant apprend d’abord que « deux cubes, c’est un cube et encore un », il apprend que « deux verres, c’est un verre et encore un », que « deux chaises, c’est une chaise et encore une », etc.
b) Cela lui permet de donner du sens à l’expression « deux, c’est un et encore un » dans laquelle ne figure aucune unité. Celle-ci permet en effet de mémoriser la façon dont on forme des collections de « deux cubes », de « deux verres », de « deux chaises »… : on en prend « un et encore un » ou bien « une et encore une ».
c) L’enfant apprend ensuite que « trois cubes, c’est deux cubes et encore un », il apprend que « trois verres, c’est deux verres et encore un », que « trois chaises, c’est deux chaises et encore une », etc.
d) C’est ainsi que, plus tard, il donne du sens à l’expression : « trois, c’est deux et encore un » parce qu’elle lui permet de mémoriser la façon dont on forme des collections de « trois cubes », « trois verres », « trois chaises »… : on en prend « deux et encore un ».
e) Idem avec « quatre » et « cinq », l’enfant comprend les nombres dans l’ordre.
Comprendre un nombre
Encore faut-il préciser ce que signifie l’expression « comprendre un nombre ». Cette compréhension commence avec l’appropriation progressive de l’itération de l’unité.
Ainsi, on ne peut pas parler de compréhension du nombre 5 tant que l’enfant ne sait pas qu’une collection de 4 objets à laquelle on en ajoute 1 contient alors 5 objets. Insistons encore une fois : il ne s’agit là que du début de la compréhension de ce nombre parce que, comme nous l’avons vu plus haut, bien comprendre le nombre 5, c’est savoir utiliser le fait que 5, c’est aussi 3 et encore 2, c’est 2 et encore 3 ou bien 1 et encore 4.
Ultérieurement, l’enfant accédera à une compréhension du nombre 5 meilleure encore lorsqu’il apprendra que 5 + 1 = 6, que 5 + 2 = 7, que 5 + 5 = 10, que 5 x 5 = 25, que 5 x 20 = 100, etc.
Cependant, parmi toutes les façons de composer de nouveaux nombres, il convient évidemment d’en distinguer une : celle qui relie l’ordre sur les nombres à leur engendrement successif par ajout d’une nouvelle unité.
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Programme p17 : « les enfants doivent comprendre que toute quantité s’obtient en ajoutant un à la quantité précédente (ou en enlevant un à la quantité supérieure) et que sa dénomination s’obtient en avançant de « un » dans la suite des noms de nombres ou de leur écriture avec des chiffres.
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5 et les doigts d’une main
Notons cependant que le processus de compréhension des nombres au-delà de 5 ne se déroule pas à l’identique de celui des premiers nombres du fait que le nombre 5, celui des doigts d’une main, joue un rôle crucial dans la compréhension des nombres de 6 à 10. En effet, comme il est facile de se représenter les nombres au-delà de 5 sur les doigts, le nombre 7 peut aisément être présenté comme 5 et encore 2, et pas seulement comme 6 et encore 1 ; 8 peut aisément être présenté comme 5 et encore 3 et pas seulement comme 7 et encore 1, etc.
1 - Un premier concept fondamental, celui de décomposition
Programme maternelle : en fin de GS, les enfants doivent savoir « parler des nombres à l’aide de leur décomposition. Concept emblématique de décomposition ou si on s’exprime de manière plus précise, de décomposition-recomposition.
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Ainsi, une première définition de la compréhension d’un nombre : comprendre un nombre donné, c’est savoir comment il est composé en nombre plus petits que lui et savoir l’utiliser pour en composer de plus grands. La compréhension des nombres se fonde donc dans l’usage pertinent de stratégies de composition-décomposition.
Le concept de composition-décompostion est constamment présent lorsque l’on cherche à définir les autres concepts qui nous intéressent ici : ceux d’itération de l’unité et de comptage-dénombrement.
4.1. Découvrir les nombres et leurs utilisations
4.1.1. Objectifs visés et éléments de progressivité
- Construire le nombre pour exprimer les quantités
- Stabiliser la connaissance des petits nombres
- Utiliser le nombre pour désigner un rang, une position
- Construire des premiers savoirs et savoir-faire avec rigueur
Acquérir la suite orale des mots-nombres
Écrire les nombres avec les chiffres
Dénombrer
4.1.2. Ce qui est attendu des enfants en fin d’école maternelle
- Utiliser les nombres
- Étudier les nombres
Le terme mathématique n’est pas utilisé dans le programme 2015
à Les programmes en 8 points – repérer des mots clés (collection, quantité, apparier, progressivement, composition/décomposition, itération de l’unité, utiliser/étudier, énumérer, dénombrer, mémoriser une quantité, synchroniser le pointage, conduire vers l’abstraction de propriétés, le cardinal de la quantité (le dernier mot-nombre prononcé de la collection), la chaîne orale, le comptage-numérotage, le sur comptage, désigner/représenter/symboliser, schématiser pour expliquer…
Les programmes en deux points essentiels :
- Construire le nombre comme mémoire de la quantité (aspect cardinal)
- Construire le nombre comme mémoire de la position (aspect ordinal)
Les connaissances dont les professeurs ont besoin pour enseigner le nombre à l’école maternelle sont beaucoup plus complexe que ce que l’on pourrait croire au départ.
Les professeurs ont besoin de comprendre que le « nombre » a de très nombreux aspects et que savoir dénombrer par comptage et connaître des relations entre certains nombres (par exemple 2 c’est 1 et 1) ne peuvent pas suffire pour que les élèves soient capables d’utiliser le nombre dans les situations dans lesquelles c’est utile.
En particulier, il est très important que les professeurs comprennent que la progression de l’enseignement des nombres ne peut pas s’ordonner suivant l’ordre des nombres : on n’apprend pas « le un » puis « le deux », etc.
En effet, une telle progression ne peut pas correspondre aux connaissances en jeu, qu’il s’agisse de la quantité ou de la position ou d’autres aspects du nombre (Malet, 2015).
Enfin, il est important que les professeurs sachent que les différents aspects qui sont nécessaire pour utiliser le nombre se construisent dans des situations simples, tout au long de la maternelle, dans des progression qui permettent la construction de ces connaissances avec leur sens en situation, ce qui permettra aux élèves, plus tard, une connaissance utile du nombre.
Ce texte permet d'évoquer rapidement une autre fonction du nombre : la mémoire de la position, ce qui va permettre de mieux comprendre que ce qui a été décrit dans le cadre de la mémoire de la quantité a une portée assez générale.
Les connaissances du nombre comme mémoire de la quantité ne construisent pas le nombre comme mémoire de la position.
Autrement dit, enseigner l’aspect cardinal du nombre ne suffit pas pour construire l’aspect ordinal.
Cependant, les élèves de l’école maternelle sont capables de progresser dans la construction d’une origine et d’un sens, même dans une progression expérimentale dans laquelle le professeur intervient peu, et certains d’entre eux peuvent mettre en œuvre une connaissance du nombre ordinal en situation.
Remarquons que les élèves de l’école maternelle sont capables de résoudre des problèmes complexes et d’inventer des procédures, ce qui n’est pas toujours assez bien mis en valeur.
Cependant, il faut un travail spécifique et un véritablement enseignement pour éviter que les élèves ne se contentent des « quantités orientées » et qu’ils progressent vers le nombre ordinal (Margolinas & Wozniak, 2013; Cariat & Margolinas, 2015).
Ces résultats concernent les phases dans lesquelles il est nécessaire d’utiliser l’écrit : phase d’éloignement dans le temps et phase de communication à autrui par écrit.
Dans cette expérimentation pour la recherche, nous avions demandé au professeur de ne pas intervenir et devait seulement :
Exemple : communication à autrui
Dans la phase (communication à autrui), de nombreux élèves produisent un schéma qui comporte une origine et un sens.
Exemple : ni origine, ni orientation
Dans les premiers écrits, de nombreux élèves produisent d’abord un dessin non orienté (pas de trace d’une origine ou d’une orientation) dont une position au moins correspond au collier modèle.
Au moment où l’élève doit reconstruire le collier (éloignement dans le temps), il ne peut pas savoir s’il faut tenir le dessin dans un sens ou dans l’autre.
Il peut donc faire une reproduction du modèle correcte ou incorrecte.
Enseigner le nombre comme mémoire de la position demande de s’appuyer sur un milieu matériel qui comporte :
Toutes ces files comportent une origine possible, qui induit un sens et un rang pour un objet distingué parmi les autres.
Les milieux sont différents du point de vue de leur propriétés didactique, dans les deux premiers, le nœud et le départ de la piste sont considérés culturellement comme des points de départ, alors que dans la barre, le « trou » ou le « bouton » peuvent être considérés comme une origine, ce qui implique un choix d’origine (Cariat & Margolinas, 2015).
Dans tous les cas, pour comparer des files, il est possible de faire une comparaison terme à terme : aligner le nœud avec le nœud puis chacune des perles jusqu’à la perle distinguée, par exemple.
Comme pour la quantité, décrire la construction du nombre comme mémoire de la position implique de décrire des situations dans lesquelles « avoir même position » a un sens en situation.
Puisque la position est une grandeur (grandeur repérable), comme toute grandeur, elle se construit dans des comparaisons directes puis indirectes :
Nous retrouvons donc le même raisonnement que pour la quantité.
La même suite de mots nombres : un, deux, trois, etc. peut être utilisée pour désigner des positions et pas seulement des quantités,
c’est une autre fonction du nombre que celle du cardinal, que l’on appelle l’ordinal.
A l’oral, dans différentes langues, cardinal et ordinal se distinguent : premier, deuxième, troisième. Du point de vue mathématique, il s’agit de deux points de vue complémentaires sur le nombre.
Le nombre est souvent considéré principalement voire uniquement sous son aspect cardinal, c’est-à-dire pour désigner des quantités. L’aspect ordinal du nombre réfère à des listes ordonnées. Si je dis « bleu, rouge, vert, jaune »,
je prononce le mot « bleu » en premier, le mot « rouge » en deuxième, etc. Il s’agit là d’une liste temporelle, c’est l’ordre des mots prononcés qui permet d’attribuer une position à chaque mot.
Si j’ai neuf perles rouges et une perle bleue, j’ai dix perles, ce qui correspond à l’aspect cardinal. Si je prends ces perles et que je les enfile sur une fil noué à une extrémité, j’obtiens une collier dans lequel la position de la perle bleue par rapport au nœud peut être décrite par un nombre, par exemple la perle bleue est en quatrième position à partir du nœud.
Les perles, parce qu’elles ont été disposées sur le fil noué constituent une liste dont l’origine est le nœud et le sens celui du fil à partir du nœud. Avec les mêmes dix perles, il est possible de faire des « colliers » différents : par exemple, un collier dans lequel la perle bleue est en quatrième position à partir du nœud et un collier dans lequel la perle bleue est en première position à partir du nœud
Le processus qui a été décrit est une façon de « raconter » le nombre comme connaissance, dans des situations où ces connaissances sont utiles.
C’est ainsi que nous sommes partis du nombre comme savoir culturel (connaissances) et que nous avons décrit les situations qui doivent être distinguées pour comprendre ce qui est en jeu dans l’apprentissage, pour les élèves.
Nous pouvons donc voir la description ci-dessus comme celle du processus de dévolution d’une connaissance : « le nombre comme mémoire de la quantité ».
Mais nous pouvons aussi considérer que les connaissances rencontrées au fur et à mesure des différentes situations que nous avons évoquées sont d’abord rencontrées implicitement, en situation d’action,
Nous avons donc décrit aussi un processus d’institutionnalisation du nombre comme mémoire de la quantité.
Savoir compter et calculer est tout à fait insuffisant pour le professeur pour faire des choix dans son enseignement, qu’il s’agisse de choix dans les situations à mettre en place ou de choix dans les réponses à apporter aux élèves au cours de l’enseignement.
La description que j’ai essayé de faire est une tentative de décrire des savoirs mathématiques et didactiques dont le professeur de l’école maternelle a besoin pour enseigner.
On s’aperçoit ici que ces savoirs sont beaucoup plus complexes et spécialisés que ce que l’on aurait pu penser a priori.
Le résultat du comptage est une collection intermédiaire particulière : en prononçant « un, deux, trois, quatre, cinq, six » à chaque pointage d’un objet de la collection de voiture et en recommençant cette opération avec les garages, l’élève se sert en fait d’une collection intermédiaire de sons, dont la quantité est la même que celle des voitures.
Remarquons que n’importe quelle chanson permet de transporter la quantité, pourvu que chaque mot de la chanson soit bien connu et que la chanson soit toujours répétée de la même manière.
Parce que les mots-nombres sont ordonnés et que chaque mot-nombre est unique, il suffit de retenir le dernier pour savoir jusqu’où prononcer la suite orale.
Toutes les collections représentant la même quantité ont une même caractéristique (la quantité), on appelle cette même caractéristique le cardinal.
Se pose alors la question de donner un nom au cardinal.
Pour mieux faire comprendre cette nécessité, prenons l’exemple de la couleur, on peut associer les objets suivant leur couleur, cependant, le nom des couleurs est tout à fait arbitraire (rouge, bleu, etc.).
Pour les cardinaux, le nom n’est pas arbitraire parce que :
Cette description didactique montre bien qu’il y a une différence entre le fait de prononcer la suite des mots nombres :
ce que les psychologues décrivent comme une étape dans le développement.
Quand les collections sont gérées par deux personnes différentes (jeu de « marchande »), la communication des quantités peut avoir lieu à l’oral ou à l’écrit.
Examinons certaines variables de la situation :
la communication n’a d’intérêt que si le « client » est le seul à pouvoir voir la collection de voitures alors que le « marchand » est le seul à pouvoir manipuler la collection de garages.
Quand la communication a lieu à l’oral, cela veut donc dire qu’il faut trouver une façon d’empêcher le « client » de voir ce que fait le « marchand », par un système de paravent, par exemple.
Une telle communication orale est intéressante au niveau de l’école maternelle parce que l’élève a l’occasion de s’apercevoir de l’effet d’une formulation à l’orale, en particulier si celle-ci n’est pas assez précise pour permettre à celui qui l’entend de pouvoir agir.
A l’oral, la procédure gagnante est souvent l’énoncé du nombre, cependant ce n’est pas toujours possible et dans ce cas il faut parfois procéder à des groupements (par exemple : « j’ai besoin de garages, quatre et encore quatre » si l’on ne connaît pas le nombre « huit »).
Quand la communication a lieu à l’écrit, il est facile d’empêcher la communication directe, il suffit pour cela que le professeur fasse le « postier ».
Dans le cas de la communication à l’écrit, les élèves vont prendre en compte la nécessité d’être compris par l’autre, ce qui peut conduire à des codes sociaux ou à la compréhension de l’utilité de codes sociaux.
A côté des écrits produits par les élèves eux-mêmes, l’utilisation de cartes représentant les quantités de façon culturelle :
peut être intéressante pour que l’élève fasse usage de ces représentations en situation.
L’exemple du berger est un exemple d’éloignement dans le temps :
le berger évalue la quantité de moutons le matin et il a besoin d’évaluer son troupeau le soir.
Il est donc nécessaire de garder la mémoire de la quantité pendant un temps long, ce qui peut se faire grâce à une collection intermédiaire matérielle (les cailloux).
Cependant, quand deux collections sont données dans des temps différents, par exemple les voiture le lundi et les garages le mardi, il existe une autre solution culturelle : utiliser l’écriture.
Une des fonctions de l’écriture est effectivement la fonction mémorielle.
Il est en effet assez facile de représenter une collection intermédiaire écrite, qui est une première approche de la symbolisation.
Les travaux de Quevedo de Villegas (1983, thèse sous la direction de Guy Brousseau) ont montré qu’il y a une évolution des représentations de la quantité quand on répète les situations d’éloignement dans le temps.
Du dessin à la la symbolique (premières abstractions)
En effet, il arrive que certains élèves commencent par :
Les procédures qui conduisent à la réussite sont aussi susceptibles d’évolution :
J’appelle ici « collection intermédiaire » une collection dont le rôle est de « transporter la quantité ».
Donnons un exemple social : en français, le mot « calcul » vient du mot latin « calculus » qui signifie « cailloux ».
Cela réfère au travail quotidien du berger : savoir si, à la fin de la journée, il a bien la même quantité de moutons qu’au début.
Pour le savoir, il est difficile de dénombrer par comptage, pour plusieurs raisons : (a) avec un grand troupeau, le berger peut ne pas savoir compter assez loin (b) même s’il connait très bien la suite orale des mots nombres, compter les moutons est difficile pour le berger car il peut être interrompu (être obligé de s’occuper de quelque chose dans le troupeau).
La solution consiste à mettre dans un sac, un caillou à chaque fois qu’un mouton sort de la bergerie, le matin, de conserver le sac de cailloux et de sortir un caillou à chaque fois qu’un mouton rentre dans la bergerie, le soir.
Le sac de cailloux n’a pas de valeur en soi : il s’agit de cailloux tout à fait quelconques. L’intérêt du sac de cailloux est seulement d’être une collection de même quantité que le troupeau de moutons, il s’agit d’une collection intermédiaire qui représente une quantité.
Comprendre la quantité et le rôle joué par le nombre comme mémoire de la quantité implique de comprendre l’utilité d’une collection intermédiaire.
En gardant les doigts levés suivant la quantité à mémoriser, dans la situation d’éloignement dans l’espace, l’élève constitue une collection intermédiaire avec ses doigts levés, qui disparaîtra quand l’élève baissera les doigts.
S’il dispose d’une collection de jetons, par exemple, il peut aussi conserver une collection de jetons de même quantité que les voitures.
Cependant, la situation précédente ne suffit pas à provoquer un début de conceptualisation, car la reconnaissance visuelle, totalement implicite, suffit souvent à réussir.
Il faut donc empêcher la perception visuelle pour obliger les élèves à mettre en œuvre des procédures impliquant la quantité de façon certaine.
Pour cela, il suffit d’éloigner les voitures et les garages de telle manière que l’élève ne puisse pas construire la collection des garages et en même temps voir la collection des voitures (une vidéo correspondant à cette situation se trouve dans le cédérom : Briand, Loubet, & Salin, 2004).
La consigne est alors d’aller chercher les garages et de les ramener en une seule fois sur le plateau.
« En une seule fois » est très important, en effet, sans cette consigne, l’élève peut ramener les garages un par un et il n’y a pas de différence avec la situation d’action.
Dans cette nouvelle situation, la mémorisation de la quantité devient nécessaire.
Le nombre donné par comptage peut être présent dans les stratégies, comme une connaissance utile en situation.
Cependant, ce n’est pas la seule possibilité :
peuvent aussi servir à mémoriser la quantité.
Pour provoquer une anticipation, il ne suffit pas de demander à l’élève de constituer une collection de garages de même quantité que celle des voitures, il est nécessaire de lui demander de s’engager par anticipation sur le fait que la procédure qu’il a utilisée pour constituer la quantité de garage lui permettra effectivement de poser une voiture sur chaque garage.
C’est le cas par exemple si l’on demande à l’élève de déposer sur un plateau « juste ce qu’il faut » de garages pour pouvoir poser chaque voiture sur un garage.
Certains élèves vont déposer une quantité de garages au hasard ou bien par estimation visuelle, ils auront alors l’occasion de s’apercevoir que cette procédure ne fonctionne pas souvent et qu’elle n’est pas fiable.
Certains élèves vont compter les voitures puis compter les garages et déposer le même nombre de garages que de voitures, cependant cette procédure ne fonctionnera que dans le registre correspondant à la capacité de dénombrement par comptage.
De nombreuses procédures existent :
Toutes ces procédures mettent en jeu, implicitement, la quantité comme la propriété qui est la même pour la collection de voitures et la collection de garages.
Toutes les situations ont ici le même but pour les élèves : construction une collection de garages de même quantité qu’une collection de voitures, c’est-à-dire construire une collection de garages pour pouvoir poser chaque voiture sur un garage sans qu’il reste de garages.
Il s’agit d’une situation fondamentale du nombre cardinal : « étant donné une collection (de voitures), constituer une collection (de garages) pour avoir un garage pour chaque voiture ».
Toutes les situations qui impliquent le cardinal peuvent se déduire de celle-ci en faisant varier certaines variables, ce que nous allons montrer maintenant.
Pour construire des situations, il faut organiser les actions des élèves dans un milieu.
A l’école maternelle, ce milieu est clairement constitué d’objets.
Travailler sur la quantité demande de travailler sur l’appariement de deux collections. En théorie, du point de vue strictement mathématique, ces collections peuvent être constituées d’objets identiques : je peux comparer le cardinal de ces deux ensembles : A={o o o o o} et B={o o o}. Cependant, dans la classe, comparer une collection de jetons blancs et une autre collection de jetons blancs va poser des problèmes pratiques importants pour distinguer les jetons appartenant à la collection A et les jetons appartenant à la collection B. Nous postulerons donc un milieu avec deux collections distinctes.
Deux grandes catégories de collections se présentent alors.
D’une part des collections qui sont socialement associées, comme par exemple :
Il peut paraître incongru au lecteur de voir associer avec du matériel aussi banal des références bibliographiques (.
Cependant, ces associations n’ont pas exactement les mêmes propriétés didactiques et c’est pourquoi le lecteur pourrait avoir envie de mieux comprendre ces propriétés pour faire son propre choix en fonction de sa progression.
Par exemple, dans un coquetier on ne peut mettre qu’un seul œuf, l’association un œuf – un coquetier est donc socialement et matériellement biunivoque (un pour un).
C’est le cas aussi de l’association voiture – garage, dans laquelle le « garage » est en fait un morceau de carton sur lequel on peut mettre une seule voiture.
Par contre, les élèves ont des connaissances sociales qui leur permettent de savoir qu’un lapin peut manger plusieurs carottes et que l’on peut mettre plusieurs crayons dans un pot.
Ainsi, si le professeur demande : « y a-t-il la même quantité de carottes que de lapins ? » l’élève devra prendre la décision de vérifier en appariant une carotte avec un lapin, alors même que si le professeur avait demandé de distribuer les carottes aux lapins, l’élève aurait pu donner plusieurs carottes.
Le professeur peut aussi décider de travailler avec des collections qui n’ont aucune connotation sociale, comme une collection de jetons bleus et une collection de jetons rouges. Une telle collection, plus « abstraite », est en même temps moins soumise aux variations que peuvent apporter les connaissances extra-mathématiques.
Aucune solution n’est donc « idéale », car tout dépend l’objectif que le professeur assigne à cette situation d’action au moment où il la met en œuvre. Dans la suite du texte, toutes les situations seront présentées avec le même milieu (voiture et garage), pour des raisons de commodité.
A l’école maternelle, les situations sont longues à installer (cela peut prendre plusieurs semaines) :
Guy Brousseau (1998b) considère ce qu’il appelle une "situation d’action".
Dans une situation d’action, quand le sujet agit sur le milieu, il anticipe une réaction du milieu, que l’on appelle une « rétroaction ». Il y a donc à la fois des connaissances dans l’action du sujet avec le milieu, mais aussi des connaissances dans l’interprétation de la rétroaction du milieu.
En ce sens, il ne s’agit jamais « seulement » d’une action, il y a toujours une dimension d’anticipation. En vous asseyant sur votre chaise, vous vous attendez à une solidité qui permet une position que l’on appelle « assise », si quelqu’un vous fait une farce et enlève la chaise, tout en vous retenant pour éviter votre chute, la rétroaction que vous attendez ne se produit pas.
En mathématique, l’action est essentielle parce que les mathématiques servent d’abord à contrôler notre rapport au réel et à anticiper sur les situation réelles :
« Ce n’est pas la manipulation d’un matériel qui constitue l’activité mathématique mais son utilisation pour résoudre un problème ou les questions qu’elle suggère » (Conseil_Supérieur_Des_Programmes, 2014, p. 55).
Si le nombre est une « mémoire de la quantité », c’est donc que la quantité peut se définir sans « le nombre » et donc en particulier sans utiliser les mots-nombres.
La correspondance terme à terme permet une « définition » en situation de la relation « même quantité ». Étant donné deux collections distinctes.
Par exemple un paquet de jetons rouges et un paquet de jetons bleus, on dit que la collection des jetons rouges a la même quantité que la collection des jetons bleus si l’on peut associer chaque jeton rouge avec un jeton bleu.
Remarquons que cette « définition » ne peut être compris par les jeunes élèves que si des collections réelles sont présentes et que l’on associe réellement les jetons en les rapprochant.
Cependant, pour travailler le nombre comme mémoire de la quantité, il est nécessaire que l’élève aie une connaissance de ce que veut dire « même quantité » en situation. Parfois, nous voyons les professeurs dire que les collections sont « pareilles », cependant, dans notre exemple, les jetons n’ont pas la même couleur, et bien sûr d’une façon générale, il est possible de comparer des collections d’objets tout à fait différents qui ont pourtant même quantité.
Dire que les collections sont « pareilles » peut être un obstacle pour les élèves qui penseront légitimement que ce n’est pas le cas.
Pour dire que deux collections ont même quantité, il n’est donc pas nécessaire, en théorie, de les « compter », il suffit d’associer leurs éléments dans une correspondance terme-à-terme.
Cependant, cette solution va se révéler incommode, voire impossible, dans certaines situations, ce qui va permettre de faire évoluer la connaissance de la quantité (Brousseau, 1995).
Contrairement à ce que l’on pense parfois, il n’est pas facile d’enseigner à l’école maternelle, si l’on considère qu’il faut y transmettre des connaissances utiles, notamment en mathématiques, et ce pour plusieurs raisons : Les savoirs mathématiques correspondant au niveau de l’école maternelle sont complexes et peu connus des professeurs. Les programmes ne les identifient pas toujours très bien, car ces savoirs ne sont pas toujours décrits culturellement de façon adéquate. Par exemple, pour enseigner, il est indispensable de distinguer les chiffres (signes graphiques) et les nombres (concept permettant d’exprimer une quantité ou une position), alors que dans le langage courant, en français en tout cas, ces mots sont synonymes. De même, pour enseigner, il est nécessaire des distinguer la quantité, qui est une grandeur et le nombre qui permet de mesurer cette grandeur, comme nous allons le voir plus loin. Or dans le langage courant « même quantité » et « même nombre » ne se distinguent pas. De plus, l’école maternelle a une importante mission de socialisation et d’éducation « L’école maternelle structure les apprentissages autour d’un enjeu de formation central pour les enfants : "Apprendre ensemble et vivre ensemble" » (Ministère_De_L'éducation_Nationale, 2015, p. 3). De part cette mission, il est normal de proposer aux élèves de nombreuses situations qui leur permettent d’accepter la parole des autres, de s’investir dans des actions collectives, etc. Ainsi, une situation, même quand elle est construite dans le but d’enseigner les savoirs prescrits par les programmes, présentent toujours un aspect éducatif. Il existe ainsi une certaine tension entre les buts éducatifs et les but d’enseignement. A l’école maternelle, on observe fréquemment des situations qui ne correspondent pas vraiment à la volonté du professeur de faire acquérir aux élèves des connaissances précises. Par exemple, les enseignants se contentent souvent, en mathématiques, de faire dénombrer par comptage un certain nombre d’objets, suffisamment régulièrement pour que la procédure de comptage soit incorporée. Cependant, cette incorporation ne suffit pas pour que les raisons du comptage soient comprises par les élèves : pourquoi compter ? dans quelles circonstances ? pour obtenir quoi ? C’est ainsi que l’on constate parfois que des élèves, quand le professeur leur dit : « comptes », sont tout à fait capable de compter six objets et de dire qu’il y en a six mais sont incapables d’aller chercher six objets si personne ne leur dit qu’il faut les compter. Les situations rencontrées à l’école maternelle sont ainsi souvent un peu « incertaines » du point de vue des savoirs, car ces situations sont parfois plus dictées par les circonstances que par une véritable progression des apprentissages. L’objectif de ce texte est donc, comme nous l’avons fait dans notre ouvrage (Margolinas & Wozniak, 2012) De décrire des connaissances en situation concernant les deux principaux aspects du nombre : mémoire de la quantité et mémoire de la position. De donner des éléments de construction des situations et des progression. De relier les connaissances en situation avec les savoirs mathématiques
Les programmes indiquent au professeur ce qu’il doit enseigner en termes de savoir, et c’est au professeur de construire des situations qui devraient permettre à l’élève d’acquérir les connaissances correspondant à ce savoir et d’éprouve l’utilité des connaissances en situation. Ce mouvement qui part des savoirs et aboutit à la production de connaissances en situation est connu sous le terme de processus de dévolution. Dans l’autre sens, les connaissances rencontrées en situation, si elles restent implicites, non formulées, non formalisées, restent fragiles, elles peuvent être attachées, pour les élèves, à une seule situation au lieu d’être considérées comme plus générales. Par exemple, l’élève peut considérer que les connaissances qu’il a construit pour prévoir correctement le bon nombre de jetons dans la boîte est spécifique de la situation de la boîte avec les jetons et ne pas imaginer que le même raisonnement pourrait permettre de savoir combien de personnes sont rentrées dans une pièce initialement vide. C’est pourquoi il est nécessaire de consolider les connaissances en les formulant, en les formalisant, en éprouvant leur validité dans de nouvelles situations, en mémorisant les procédures qui permettent de les résoudre, en les généralisant, en reconnaissant leur valeur culturelle et sociale et la façon de les nommer et de les représenter pour être compris en société. Ce mouvement qui part des connaissances et aboutit à leur reconnaissance en tant que savoirs est connu sous le terme de processus d’institutionnalisation.
Guy Brousseau introduit la distinction entre savoir et connaissance, en didactique des mathématiques dès les années 70. En voici un aperçu rapide, extrait de (Margolinas, 2012) : Une connaissance est ce qui réalise l’équilibre entre le sujet et le milieu, ce que le sujet met en jeu quand il investit une situation. Il s’agit d’un concept très large, qui inclut à la fois des connaissances du corps, des connaissances dans l’action, des connaissances de l’interaction, des connaissances mémorisées, etc. Toute situation implique des connaissances, par exemple « être assis » demande des connaissances, ce dont on peut avoir l’occasion de s’apercevoir quand on doit rester assis assez longtemps sur un siège inhabituel. Un exemple plus scolaire pourrait être ce qui permet de savoir que si je mets trois jetons dans une boîte vide et que j’en rajoute encore deux, en vidant la boîte je dois trouver cinq jetons. Un savoir est d’une autre nature, il s’agit d’une construction sociale et culturelle, qui vit dans une institution et qui est par nature un texte (ce qui ne veut pas dire qu’il soit toujours matériellement écrit). Le savoir est dépersonnalisé, décontextualisé, détemporalisé. Il est formulé, formalisé, validé et mémorisé. Il peut être linéarisé, ce qui correspond à sa nature textuelle. En reprenant l’exemple de la posture assise, un étudiant qui fait des études de kinésithérapie rencontre des savoirs sur la posture assise. En effet, pour aider des patients à retrouver les équilibres nécessaires pour rester assis après un accident, le kinésithérapeute a besoin de savoirs qui vont au-delà de sa propre connaissances expérientielle de la posture assise. De même, en reprenant la situation de la boîte, le professeur enseigne à l’élève que la réponse au problème de la boîte est une addition, et situe la situation de la boîte parmi d’autres situations qui, du point de vue des structures additives, sont les mêmes, le professeur situe donc le savoir « addition » dans le cadre des mathématiques.
Ce que l’on appelle « le nombre » est une synthèse de connaissances plus ou moins indépendantes et des relations entre ces connaissances (Malet, 2015) :
Par exemple, pour un certain nombre de parents, « savoir compter » signifie « savoir la suite orale des mots-nombres » jusqu’à un certain rang, par exemple quand ils disent fièrement « ma fille n’a que trois ans mais elle sait déjà compter jusqu’à dix ».
Certains enseignants considèrent que « savoir compter » n’est pas savoir la suite orale des mots-nombres, mais savoir donner le cardinal d’une collection d’objets en utilisant le comptage. Observons que les situations ne sont pas les mêmes, récitation ou bien dénombrement d’objets, cependant les connaissances en jeu dans ces situations relèvent bien du « nombre ».
Dans notre travail (Margolinas & Wozniak, 2012), nous avons essayé de montrer que le nombre à l’école maternelle s’appuie sur cinq aspects :
Deux appui majeurs ;
Les programmes de l’école maternelle en France et dans d’autres pays ne font pas toujours référence explicitement aux mathématiques.
Dans les programmes de 2008, ce que nous pouvons reconnaître comme étant des mathématiques, par exemple « approcher les quantités et les nombres », se trouve dans la partie « découvrir le monde », le mot « mathématique » n’apparaît dans les programmes qu’en référence au programme de l’école élémentaire.
Dans les programmes de 2015, nous trouvons deux domaines : Les domaines « Construire les premiers outils pour structurer sa pensée » et « Explorer le monde » s’attachent à développer une première compréhension de l’environnement des enfants et à susciter leur questionnement. (Ministère_De_L'éducation_Nationale, 2015, p. 5).
Le mot « mathématique » apparaît une fois dans le programme, mais pour repousser un apprentissage à l’école élémentaire : L’enseignant utilise un vocabulaire précis (cube, boule, pyramide, cylindre, carré, rectangle, triangle, cercle ou disque (à préférer à « rond ») que les enfants sont entraînés ainsi à comprendre d’abord puis à utiliser à bon escient, mais la manipulation du vocabulaire mathématique n’est pas un objectif de l’école maternelle. (Ministère_De_L'éducation_Nationale, 2015, p. 15) Cette citation est intéressante, car nous voyons que les auteurs du programme identifient eux-mêmes certains mots ou concepts comme appartenant aux mathématiques, ils considèrent que l’enseignant doit connaître le vocabulaire des mathématiques. Cependant, c’est sans doute parce qu’il n’y a pas d’enseignement systématique à ce niveau que les programmes ne désignent pas certaines parties comme étant clairement des mathématiques. Dans le domaine « construire les premiers outils pour structurer sa pensée », nous ne trouvons en fait que des savoirs mathématiques « Découvrir les nombres et leurs utilisations » et « Explorer des formes, des grandeurs, des suites organisées », dans le domaine « Explorer le monde », les thèmes de l’espace et du temps sont abordés d’une façon plurielle, à la fois sous l’angle de la mesure, sous l’angle social, et sous l’angle des représentations de l’espace, certains de ces aspects se développerons ensuite clairement comme des mathématiques, alors que d’autre seront reconnus dans d’autres domaines (sciences expérimentales, sciences humaines). Je considère qu’il y a bien de connaissances mathématiques en jeu dans les situations à l’école maternelle (Laparra & Margolinas, 2010). Le professeur, qui a la charge de mettre en œuvre ces situations, a besoin de comprendre comment ces situations sont liées aux savoirs mathématiques. Dans ce texte, comme nous l’avons fait dans notre livre sur le nombre à l’école maternelle (Margolinas & Wozniak, 2012), je vais décrire certaines connaissances sur le nombre à l’école maternelle en évoquant les situations dans lesquelles elles sont utiles, ce qui correspond au point de vue de la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1998a).