av Julie CALVAYRAC 2 år siden
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L’intervention des éducateurs de prévention spécialisée auprès des parents vise au renforcement de leurs capacités de parents à éduquer et protéger leurs enfants (soutien à la parentalité).
Comme avec les jeunes, le travail avec les familles passe d’abord par l’établissement d’un lien de confiance qui permet de nouer un dialogue avant d’apporter, le cas échéant, une aide et un soutien tout en gardant à l’esprit que c’est dans l’intérêt du jeune que ces démarches doivent être accomplies. Le travail avec les familles peut s’effectuer au domicile mais également dans d’autres lieux.
Avec les familles, le service de prévention spécialisée peut avoir à jouer un rôle de médiateur dans un contexte de crise. A ce titre, les travailleurs sociaux aident à dépasser les réactions émotionnelles et à faire travailler les membres de la cellule familiale sur les issues favorables possibles ainsi que sur les moyens à déployer pour y parvenir.
Un travail d’orientation peut également être fait avec les familles.
L’accompagnement avec les familles se fait sous différentes modalités[1] :
- Accompagnements individuels (visites à domicile, entretiens au local ou à l’extérieur, accompagnements et médiatisation vis-à-vis des institutions…) ;
- Séjours famille ;
- Groupes de paroles parents ;
- Conférences et soirées débats ;
- Sorties familles ;
[1] Ces entretiens individuels, comme les groupes de parole, peuvent être menés par le psychologue de l’équipe.
Le respect de l’anonymat et de la confidentialité des informations
En tant qu’acteurs de la Protection de l’Enfance, le respect de son intimité et le respect de la confidentialité des informations détenues par les professionnels de la Prévention Spécialisée sont dus au jeune. Les communications d’informations, détenues par les éducateurs spécialisés, notamment afin de permettre une circulation d’informations nécessaires à l’accomplissement des missions des professionnels de l’action sociale ou de la sécurité avec lesquels ils travaillent, devront s’effectuer dans le cadre légal définit par le code pénal (article 223-6, 226-14 et 434) ainsi que du Code de l’action sociale et des familles (article L 226-2-2 et L 121-6-2).
La recherche d'adhésion
la relation éducative est proposée au jeune, ce qui
justifie la démarche « d’aller vers », dans son milieu de vie afin de susciter une rencontre et une relation de confiance.
Absence de mandat nominatif
L’intervention auprès d’un jeune et de sa famille ne découle pas d’une décision de prise en charge administrative ou judiciaire. Elle repose sur son accord pour travailler ensemble.
Le réseau et le partenariat
La mission de Prévention Spécialisée s’envisage dans
la nécessaire prise en compte et en complémentarité des actions engagées par d’autres professionnels ou institutions agissant dans l’environnement du jeune. Cette approche partenariale marque le quotidien de l’éducateur spécialisé
La non institutionnalisation des activités :
Des actions peuvent être mises en place pour favoriser le lien avec les jeunes, mais elles n’ont pas vocation à être
pérennisées, ce qui nécessite l’adaptabilité, la prise d’initiative et la créativité des réponses à apporter, que cela soit de manière individuelle ou collective. Cela implique enfin la nécessité de construire une articulation et une éventuelle prise de relais avec les autres institutions ou partenaires.
Présentation de l’association
L’ADFJ (Association Dauphinoise des Foyers de Jeunes) est née de la volonté d’anciens déportés qui, le 30 novembre 1954, se sont réunis dans le but d’apporter des réponses à la jeunesse en difficulté, ne voyant pas en elle un danger, mais bien une chance. Après avoir été habilitée en 1958 au titre de l’ordonnance du 2 février 1945 pour accueillir des mineurs délinquants, l’association a lancé son premier « club de prévention » en juin 1966, date à laquelle l’association a changé de dénomination pour devenir le Comité Dauphinois d’Action Socio-Educative (CoDASE).
Le CoDASE est historiquement organisé autour de 4 principes fondateurs :
le respect de la personne, la laïcité républicaine, une gestion intègre, un engagement citoyen
Ces valeurs imprègnent une éthique professionnelle, affichée comme reposant sur plusieurs piliers :
- Envers la personne, reconnue telle qu’elle est, et envisagée dans sa globalité.
- Dans l’action, organisée en faveur de la personne placée dans son environnement personnel, selon un principe de participation. Cela conduit les salariés du CoDASE à décentrer leur action, et à rechercher l’adaptation constante des modes d’accompagnement, au besoin, en s’appuyant sur l’innovation.
- Dans l’éthique professionnelle, garantie par un souci de professionnalisme, et d’engagement personnel.
Ces principes riches de sens et plus que jamais d’actualité ont vocation à être appliqués à l’ensemble de l’environnement professionnel : en direction des personnes qui sont accompagnées (les jeunes et leurs familles), en direction de celles qui sont en contact avec le service (partenaires) ou au sein même du service (collègues).
Instances nationales
CNAPE
ARCA
Citoyens et Justice
CNLAPS
Les territoires
CARTE DES TERRITOIRES
Travail en équipe et en partenariat avec les acteurs du territoire
Au niveau de chaque équipe territorialisée : pour élaborer, mettre en œuvre et évaluer le projet d'intervention sous la conduite de leur responsable de service.
Au niveau du service : pour s'enrichir des expériences et compétences respectives, de la composition pluridisciplinaire et par la participation de chaque professionnel à la définition du projet de service.
Le local est un lieu clé de l’intervention du service de prévention spécialisée. Ce lieu propre à chaque territoire d’intervention a des fonctions et des caractéristiques diverses. Il est en même temps :
- Un lieu de rencontre avec les jeunes, les familles, les partenaires ;
- Un point de repère identifié pour les jeunes ;
- Un lieu d’écoute sécurisant et confidentiel où l’on ne juge pas ;
- Un lieu de convivialité aménageable par l’équipe de prévention ;
- Un lieu de soutien aux dynamiques de quartier ;
- Un lieu d’activités.
Les règles relatives aux locaux ayant vocation à recevoir le public sont un point qui a été mis au travail dans l’évaluation interne.
L’accueil et la rencontre du public peuvent se dérouler dans d’autres lieu et sous d’autres modalités que l’utilisation d’un local. Cela peut prendre des formes diverses, définies en amont : l’utilisation d’un camping-car, permanences, locaux mutualisés.
Le chantier éducatif est un outil historique de la prévention spécialisée. Les deux services de prévention spécialisée CoDASE et APASE ont créé une association commune en 2010 : « Synergie chantiers éducatifs AI ». Deux outils distincts sont à distinguer :
- Le « chantier éducatif d'équipe » : est encadré par un éducateur de prévention spécialisée. Le service de prévention s'appuie sur des moyens administratifs dans le cadre de Synergie CE AI.
- Le « chantier éducatif permanent », d’une semaine (renouvelable), plus exigeant, est encadré par un éducateur technique. La mise en chantier du jeune est intégrée dans l'accompagnement éducatif global et comporte plusieurs dimensions spécifiques : signature d’un contrat de travail, dans un temps formel ; une visite du chantier ; un lien privilégié entre le travailleur social de l’équipe de prévention, l’éducateur technique ; un bilan de fin de chantier (évaluation des compétences du jeune).
La construction et le maintien de partenariats solides est déterminant pour le service de prévention spécialisée. La bonne inscription du service de prévention spécialisée dans un écosystème d’acteurs aux compétences diverses est conditionnée à la mise en place de rencontres régulières participant à créer du lien interpersonnel et contribuant à la maîtrise des périmètres d’intervention respectifs. Certains partenariats privilégiés font l’objet de conventions dont le but est de faciliter les collaborations et de border les interventions de chacun afin d’éviter le risque de substitution.
Le travail en partenariat revêt par ailleurs un intérêt supérieur en ce qu’il permet de croiser les regards. Ce mode de collaboration se traduit en pratique par la participation du service de prévention spécialisée à diverses instances de réflexion sur des situations individuelles. Il se caractérise également par du partage d’information. Le service de prévention spécialisée intervient dans un écosystème partenarial élargi, dont une illustration est proposée ci-dessous.
Au niveau des partenaires du territoire d’intervention et du territoire métropolitain, la constitution d'un réseau et les potentiels partenariats qui en découlent doivent permettre :
d'apporter des réponses adaptées aux situations individuelles et collectives rencontrées, d'affiner l'analyse et de prendre du recul sur les situations rencontrées par le croisement des approches.
Nécessite des rencontres régulières
Renforcer l'interconnaissance
L’accompagnement éducatif peut être individuel et collectif, modalités qui sont toujours entremêlées dans la réflexion relative à une intervention sur un territoire, vis-à-vis d’une personne ou d’un groupe.
L’accompagnement individuel est néanmoins un mode relationnel privilégié, dans la mesure où il permet un ajustement plus fin à la singularité des besoins du public. Il se caractérise dans quatre hypothèses :
- Quand le jeune sollicite directement le travailleur social ;
- Quand le projet du jeune est co-construit ;
- Quand le jeune répond favorablement aux propositions éducatives du travailleur social ;
- Quand les parents ou les familles sollicitent le service.
Néanmoins, la prévention spécialisée trouve aussi à se concrétiser au travers d’actions collectives courantes telles que (liste non-exhaustive) :
- Des activités périscolaires ;
- Des actions collectives solidaires ;
- Des chantiers éducatifs ;
- Des séjours éducatifs ;
- Des sorties ;
- Des accompagnements de projets.
Ces actions collectives sont toujours construites pour apporter un support éducatif privilégié permettant de travailler :
- L’individuel au travers de la dynamique de groupe (le rôle dans le groupe, le leadership, la solidarité) ;
- L’altérité et le rapport à la différence ;
- Le rapport au cadre, et à la citoyenneté, aux règles de vie collective ;
- L’autonomisation progressive ;
- Le rapport aux parents et à leur rôle éducatif ;
- La mise en situation dans un environnement spécifique ;
- La place du jeune dans son environnement (changement d’image, sortir de l’entre-soi, valorisation du jeune…) ;
- Le rapport aux professionnels de la prévention spécialisée et aux autres acteurs intégrant le réseau partenarial ;
- Les passerelles entre les métiers de l’animation et la mission socio-éducative de la prévention spécialisée ;
- …
Les actions collectives sont un outil pour travailler en appui de partenaires pour qui l’intégration des jeunes suivis par le service peut paraître difficile. En ce sens, les actions collectives montées en partenariat constituent un outil d’intégration des jeunes dans le droit commun, et de contact entre les jeunes.
Articulation entre accompagnement collectif et accompagnement individuel
Articulation entre accompagnement collectif et accompagnement individuel
Ces deux formes d’accompagnement sont indissociables. Elles sont différentes mais complémentaires dans l’intervention de prévention spécialisée auprès de jeunes en rupture.
L'accompagnement collectif peut être l’occasion d’établir un contact avec un jeune ou plusieurs jeunes d’un même groupe, de construire progressivement une relation éducative avec ces individus à partir de laquelle peut s’établir un accompagnement individuel.
Il est également le support d'un accompagnement individuel dans la mesure où les temps collectifs permettent au jeune de se situer dans une dynamique de groupe, d’exprimer sa personnalité, de forger un esprit critique, de prendre sa place en relation avec les autres jeunes et de construire son autonomie vis-à-vis du groupe.
Soutien à la fonction parentale : accueil, écoute, orientation
Repérer les situations de non recours aux droits
Evaluer les problématiques faisant frein à son développement + Identifier les ressources du jeune et de la famille
Prise en compte de la famille et de l'environnement
Pise en charge éducative, proposer un parcours au jeune
Le service de prévention spécialisée a également une mission d’accompagnement éducatif et social qui vise à travailler avec les jeunes et leurs familles sur leur capacité à se mobiliser et à reprendre du pouvoir sur leur quotidien. Ce travail suppose l’instauration d’un lien de confiance, qui nécessite du temps et des contacts successifs. L’accompagnement étant avant tout centré sur le jeune, il est déterminant que les travailleurs sociaux soient dans une logique permanente « d’aller-vers » qui se traduit par des temps d’immersion dans l’environnement des jeunes et des familles.
Cette approche permet notamment de repérer les jeunes et les familles qui sont dans des situations de « non-recours » à leurs droits. Un travail d’orientation vers le droit commun est fait par les travailleurs sociaux. Cela suppose une très bonne connaissance de la carte partenariale (et des prérogatives des partenaires), et la capacité à s’assurer que les publics accompagnés prennent part aux orientations les concernant. Là encore, l’aller-vers est une pratique différenciante pour la prévention spécialisée, qui accompagne physiquement les jeunes pour rencontrer les partenaires susceptibles d’ouvrir de nouveaux droits, dans tous les domaines de la vie du jeune.
Evaluer les dangers et orienter
Observer - Alerter - Agir
La prévention spécialisée est historiquement rattachée à l’aide sociale à l’enfance et elle participe à la mission de « prévention » sur laquelle le législateur a mis l’accent dans les dernières réformes législatives relatives à la protection de l’enfance[1]. A ce titre, les travailleurs sociaux de prévention spécialisée ont un rôle de repérage et d’alerte des situations de danger grave et immédiat (transmission d’information préoccupante à la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes -CRIP- ou de signalement au parquet).
Raccrocher vers le droit commun
1. La présence sociale (travail de rue)
L’intervention de la prévention spécialisée fait une large place au travail de rue (« présence sociale »), qui se concrétise par une démarche « d’aller-vers », ou encore de présence sur l’espace public afin de se rapprocher de jeunes qui ne prendraient pas l’initiative de venir rencontrer un travailleur social (ou tout autre interlocuteur) pour se confier.
Les éducateurs de rue adoptent également cette démarche « d’aller vers » pour aller à la rencontre des habitants du quartier, des commerçants, des associations, qui participent tous à dynamiser un espace de vie et sont quotidiennement au contact des jeunes ciblés par la prévention spécialisée.
La présence sociale n’est pas un exercice aléatoire. Les travailleurs sociaux doivent en effet construire des stratégies de positionnement et d’arpentage actif fondé sur leur connaissance du secteur géographique dans lequel ils interviennent (par exemple, en favorisant les lieux de regroupement et de passage des jeunes). Néanmoins, cette stratégie ne doit pas être exclusive, et laisser place à une réflexion visant à toucher également des jeunes qui sont moins visibles sur l’espace public (par exemple, les jeunes filles).
La présence sociale implique par ailleurs d’être présent au moment opportun et de savoir quand il est préférable d’engager le dialogue ou au contraire de rester en retrait. Le repérage du « moment idéal » s’acquiert avec l’expérience et fait appel à la sensibilité de chacun des professionnels qui vont devoir apprécier un climat et user de leurs qualités relationnelles pour adapter leurs pratiques et leurs discours aux situations auxquelles ils seront confrontés.
La présence sociale implique aussi une forte disponibilité qui se matérialise avant tout par une capacité d’écoute. Elle contribue à une bonne identification des professionnels par les jeunes tout comme elle facilite la création et l’entretien d’un lien de confiance avec eux. Quand dans des contextes de tension les travailleurs sociaux sont contraints d’adopter une posture plus réservée et de discrétion, leur présence et leur disponibilité demeurent essentielles.
Le travail de rue conduit les travailleurs sociaux à développer différentes expertises sur leur territoire d’intervention (lecture diagnostique du territoire ; lecture des besoins et des dynamiques des publics ; lecture du « jeu d’acteurs » (rôle, fonctions et interdépendances de chacun sur le territoire) ; connaissance des usages et conflits d’usages de lieux) :
Les nombreux contacts avec les jeunes mais aussi avec les autres personnes qui occupent le territoire conduisent les professionnels à développer leur propre lecture de la situation du territoire et à appréhender avec précision les besoins et les dynamiques des publics. L’expérience du terrain participe en outre à développer une vision éclairée sur le jeu d’acteurs en présence et sur les tensions qui peuvent parfois exister entre ceux-ci. La présence régulière et plus encore, la mobilité dont ils font preuve chaque jour facilitent en outre la connaissance des conflits d’usage des lieux et l’incarnation d’une posture de conciliateur vis-à-vis des publics concernés. Plus globalement, les professionnels de terrain ont développé une aptitude à s’adresser à tous les types de publics et à adapter leur discours en fonction de leur interlocuteur (publics fragiles, marginalisés mais aussi des élus) . Cette aptitude est d’autant plus utile qu’elle permet par ailleurs de faire dialoguer ces différents profils de personnes tout en jouant parfois un rôle d’interprète pour traduire les réalités des uns et des autres. L’habitude du terrain pousse aussi les éducateurs à rester en alerte de façon permanente pour que, chaque fois qu’il est nécessaire de le faire, ils puissent établir des stratégies de protection des habitants. La vision d’expert permet aussi aux professionnels d’identifier les partenaires les plus à même de répondre aux besoins des jeunes qui acceptent d’être accompagnés.
Observer, connaître, et comprendre l'environnement dans lequel le jeune évolue
Comprendre, alerter, agir sur le fonctionnement d'un territoire (lecture systémique)
Identifier et lire des évolutions de contexte
Conduites à risque
Santé mentale et souffrances psychiques
Une réflexion avait été engagée en 2015 au sujet des difficultés posées par les publics en situation de fragilité psychique ou mentale, rencontrées par toutes les équipes. Ces difficultés sont exacerbées par le fait que les structures spécialisées sur la prise en charge de ces publics sont moins nombreuses (des fermetures, des diminutions de moyens), et maillent moins le territoire (alors même que la proximité est un facteur important de l’entrée dans un parcours de soin, et de relais partenarial).
Un effet de report était donc constaté : sans accompagnement adapté, les difficultés constatées pouvaient conduire à l’isolement des jeunes concernés, à l’aggravation de ces difficultés, à l’enfermement des familles, à de la poly-consommation pour « supporter la souffrance »… Sans être exhaustives, ces difficultés viennent toutes heurter la capacité d’action en travail social.
Les réflexions menées à ce sujet dans le cadre de la commission santé, ainsi que la consultation de l’ensemble des équipes à ce sujet ont donné lieu à des journées de formation à l’IFTS[1] visant, pour le public des travailleurs sociaux, à :
- Faire comprendre les modifications sociétales et réinterroger les fondamentaux de la relation éducative.
- Améliorer les observations cliniques sur des situations, sans catégoriser ni interpréter
- Identifier les marges d’action au bénéfice des profils particuliers.
- Transformer le savoir en compétences métiers.
Cette formation associe des professionnels de santé et du travail social, et intègre des savoirs théoriques, ou pratiques. En fin de formation, un annuaire, un lexique et une formalisation des pratiques ont été remis aux salariés formés.
[1] Institut de Formation en Travail Social à Echirolles.
Les radicalités
La prévention spécialisée a également un rôle à jouer sur la prévention des radicalités. Si certaines des radicalités font l’objet d’une attention et de dispositifs particuliers (prévention des radicalités religieuses notamment), les travailleurs sociaux ont dans tous les cas un rôle à jouer dans l’appréhension des « signaux faibles » témoignant d’un glissement ou d’un risque de glissement de la part des jeunes. Le schéma ci-dessous illustre une série de signaux auxquels les professionnels doivent être particulièrement attentifs :
Il n’y a évidemment pas de lien systématique entre l’existence de ces signaux chez un jeune et la radicalisation de ce dernier. Néanmoins, leur constat par un professionnel du service de prévention spécialisée doit le conduire à envisager cette hypothèse pour creuser la question et éventuellement faire appel au réseau de partenaires compétents pour traiter ces problématiques.
L’équipe mobile d’écoute et d’accompagnement (EMEA) a été créée pour apporter une réponse adaptée aux situations de jeunes présentant des signes de radicalisation violente (islam radical, djiadhisme), orientés par la CEPRAF (la Cellule de Prévention de la Radicalisation et d'Accompagnement des Familles), au sens du Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation (FIPDR), qui est une sous-catégorie de ces développements. L’équipe mobile a pour objectif de permettre au public concerné, jeunes et familles, de bénéficier d’un accompagnement éducatif et psychologique individualisé, d’une évaluation, d’une veille-constante afin de rompre avec l’isolement. L’objectif est de redécouvrir le lien social en bâtissant un projet de vie en retrouvant des valeurs d’appartenance au corps social.
Les mineurs non accompagnés
Comme la plupart des acteurs intervenant dans le champ socio-éducatif, le service a constaté à partir du début des années 2010 une forte hausse de la population de mineurs non accompagnés (MNA) sur le territoire isérois et particulièrement dans la Métropole de Grenoble. L’approche éducative prise par le service ne fait pas des MNA un public spécifique. Les problématiques sociales soulevées par la présence de ce public (questions de cohésion sociale, relatives à l’intégration de ces jeunes dans leur environnement de vie) sont mises au travail et traitées par les travailleurs sociaux du service. Des liens sont évidemment à faire avec les acteurs spécialisés sur les MNA (notamment sur les questions relatives à l’accès aux droits, via la régularisation du droit de séjour – évaluation de minorité).
En 2020, le Département de l’Isère souhaite déployer sur son territoire, dans le cadre d’un appel à projets, des opérateurs dédiés. Lorsque ce dispositif sera mis sur pied, l’articulation du service de prévention spécialisée avec ce service sera nécessaire.
Le deal
Les équipes de prévention spécialisée sont parmi les premiers témoins de la croissance des activités délictuelles liées aux trafics de stupéfiants dans les quartiers. Les jeunes au cœur de ces trafics mais aussi ceux qui gravitent autour d’eux sont pour beaucoup des publics-cibles des travailleurs sociaux. Face à la croissance du phénomène et de ses externalités (sentiment d’insécurité dans les quartiers, présence accrue de la police, violences et rixes, …), les équipes ont été amenées à questionner leur approche et leurs pratiques éducatives, tant ce public et le contexte d’intervention présentent des spécificités.
L’ambition est de limiter les risques liés à la proximité avec les trafics de stupéfiants tout en conservant une posture qui consiste à aller vers les jeunes « en général » dès lors qu’ils rencontrent des problématiques diverses (santé, économique, …). Toutefois, en repartant du constat selon lequel ces jeunes sont avant tout attirés par le caractère rémunérateur de leur activité illicite, le service a décidé de les orienter en priorité vers les CAJ (« Chantiers à la journée », projet spécifique en collaboration avec Synergie Chantiers Educatifs et l’APASE) dans le cadre desquels ils sont rémunérés en espèces le vendredi après avoir pris part à un chantier encadré durant la journée du jeudi.
Pour autant, quelques précautions doivent être prises. Les équipes ne doivent pas interférer avec l’activité commerciale pour ne pas se mettre en danger, pour ne pas être « bannies » du quartier et pouvoir progressivement gagner la confiance des jeunes. Les travailleurs sociaux doivent être attentifs à se présenter, à expliquer les raisons de leur présence pour tendre la main aux jeunes qui voudraient s’extraire de cette dynamique. La présence de terrain doit également contribuer à comprendre le fonctionnement du lieu de deal et à identifier les jeunes qui sont les plus enclins à être accompagnés. Il est primordial que les professionnels se tournent vers les jeunes qui montrent l’envie de rompre avec le parcours de délinquance dans lequel ils commencent à s’inscrire ou sont inscrits. Ils conservent également une « main tendue » en direction des autres jeunes.
Si l’approche des travailleurs sociaux est différente pour chacun des jeunes qu’ils accompagnent, les similitudes dans le discours de nombreux jeunes en proximité des trafics (le souci d’immédiateté, une incapacité à se projeter à long terme et le sentiment d’être en marge de la société) ont conduit les travailleurs sociaux à s’adapter à ce public spécifique. En effet, ces jeunes manquent souvent d’estime d’eux-mêmes et un travail de remobilisation qui passe par un discours sur leur capacité à faire constitue généralement un préalable déterminant à tout accompagnement. Les travailleurs sociaux ont aussi un rôle à jouer dans la prise de conscience en cherchant avant tout à comprendre les motivations des jeunes sans être dans une posture de jugement, en discutant avec eux sur les risques et les bénéfices du trafic et en étant force de propositions sur les opportunités qu’ils ont devant eux.
Il existe par ailleurs un fort enjeu à identifier les moments et les lieux privilégiés pour engager un échange avec un jeune. Le phénomène de groupe et l’inscription dans un parcours de délinquance duquel il est difficile de se départir sont des freins auxquels les équipes doivent faire face. Les échanges sont souvent limités et la pression des autres jeunes réfractaires à toute forme d’accompagnement rendent la création d’un lien de confiance interpersonnel ardu. Pour y répondre, elles doivent chercher à travailler en priorité avec les jeunes qui manifestent l’envie de sortir du trafic en les amenant à s’éloigner progressivement du lieu de trafic (rendez-vous au local, déplacement en voiture pour engager une démarche spécifique, …). Les travailleurs sociaux peuvent aussi profiter du contexte d’incarcération d’un jeune pour avoir des temps d’échange seul à seul au cours desquels le jeune est plus perméable au discours car moins influencé par le groupe. Les travailleurs sociaux doivent autant que possible s’appuyer sur les familles mais il est parfois difficile de le faire dans la mesure où un déni peut exister chez certaines d’entre elles et que pour d’autres le trafic est devenu une activité banalisée.
Les lieux de deal peuvent présenter des risques pour les professionnels qui s’exposent à un environnement pouvant être violent, imprévisible et susceptible de représailles vis-à-vis de l’action éducative, du fait qu’elle peut entraver la bonne marche de ce système. Dans un souci de prévention des risques professionnels, il est demandé aux travailleurs sociaux de respecter certaines précautions :
- Être attentif lorsque les échanges portent sur le modèle économique et l’argent généré par l’activité ;
- Savoir s’effacer ou partir quand la tension se fait ressentir et que les jeunes envoient des signaux invitant les travailleurs sociaux à quitter la zone.